J’ai donné ce discours devant les membres du sénat français à Paris, le 2 avril. Merci à la sénatrice Morin-Desailly pour l’invitation !
Mesdames et Messieurs les Senateurs et Senatrices,
Je suis la rapporteure du Parlement Européen pour l’évaluation de la directive de 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. J’ai ce statut car les coordinateurs de tous les groupes politiques au sein du parlement se sont unanimement mis d’accord sur ma nomination.
Le rapport que j’ai rédigé en tant que rapporteure ne doit pas être mal interprêté comme une réécriture totale de la législation en matière de droit d’auteur et de droits voisins. C’est l’évaluation d’une directive de l’Union Européenne en particulier qui avait pour but d’harmoniser certaines parties du droit d’auteur pour mettre en œuvre les quatres libertés de l’Union et permettre l’échange culturel dans le marché unique. Par conséquent, mon rapport traite du fait de savoir si la directive a atteint son but, et si elle ne l’a pas atteint, ce qui peut être fait pour changer cela.
Il y a biensûr d’autres questions importantes qui sont liées à l’économie créative, telles que la taxation ou l’exécution. Elles ne font pas partie de mon rapport, parce qu’elles ne sont pas réglées dans la directive que j’ai été chargée d’évaluer. Cependant, je suis stupéfaite par les chiffres présentés par la Sénatrice Morin-Desailly dans son rapport d’information sur le rôle de l’Europe au secours de l’Internet quant au peu de taxes payées en France par les multinationales et je suis absolument attachée à une harmonisation du système de taxation en Europe pour assurer que les entreprises de l’Internet paient leur juste part à la société. Je suis convaincue cependant que l’outil pour cela est le régime fiscal et pas celui du droit d’auteur et des droits voisins.
Quand je dis « droit d’auteur et droits voisins », je ne juge pas la tradition juridique sur laquelle la directive de 2001 sur le droit d’auteur et les droits voisins est basée. Elle parle de copyright dans la version anglaise et de droit d’auteur dans la version française. Si vous regardez le contenu, elle inclue à la fois les droits des auteurs et les droits des ayants droits. En effet, une des recommandations que je fais pour la réforme du droit d’auteur et des droits voisins de l’UE, c’est d’introduire une protection contractuelle commune des auteurs. Je suis donc actuellement entrain de renforcer les traditionels droits d’auteurs avec ma proposition.
Les résultats de mon évaluation de la directive de 2001 sont généralement négatifs, mais pas parce que je veux abolir les droits d’auteurs. Une des sources de mon rapport était en effet le rapport des Nations Unies sur les droits de l’homme sur la protection de la paternité de l’oeuvre [ndt:2 ? link to be verified]. J’ai adopté toutes les recommandations dans mon rapport.
Réduire les frontières est un des principaux objectifs de l’UE – pourtant sur Internet, elles persistent encoreTweet this!
La principale conclusion de mon rapport est que le but d’établir des règles communes pour traiter des oeuvres protégées en ligne n’a en pratique pas été achevé. Il y a deux problèmes principaux avec la directive: Un concerne la territorialité des droits sur Internet. L’autre problème est le fait que les droits des ayant-droits ont été rendu obligatoires dans tous les états, mais les droits du public restent optionnels. Comme je vais le montrer, cela les rends dénués de sens sur l’Internet.
Nous avons une culture Européenne riche que je veux protéger et promouvoir. Cette culture n’est pas limitée à des frontières nationales – c’est pourquoi l’UE est plus qu’un grand marché, c’est une Union de culture et de valeurs. Que les frontières aient été réduites est l’un de nos plus grands accomplissements dans l’UE – mais paradoxalement sur l’Internet, le moyen conçu pour être sans frontières, elles persistent.
Prenons l’exemple de la nouvelle Le Petit Prince. L’auteur est mort il y a 70 ans, l’œuvre est donc dans le domaine public, excepté en France, pays qui accorde 30 ans de protection supplémentaire à ses héros de guerre. Le raisonnement derrière cette règle nationale est compréhensible, mais les effets sont complexes: Une œuvre qui peut librement circuler et être adaptée dans tout le reste de l’Europe doit obtenir une licence en France. Donc thoriquement, lorsque Le Petit Prince est partagé sur Internet, il doit s’arrêter à la frontière.
Cet exemple illustre également un autre problème plus fondamental : la directive de 2001 sur les droits d’auteurs et les droits voisins dit que quiconque place sur Internet à disposition du public des œuvres protégées doit avoir une licence. La territorialité du droit d’auteur signifie que lorsque la question est de savoir si une œuvre est protégée et qui est le titulaire des droits la réponse est différente dans chaque pays.
Dès l’or que je téléverse Le Petit Prince sur mon site, dans quel pays est-ce que je rends cette œuvre disponible ? Dans le pays où est hébergé mon site ? Dans le pays où je réside ? Dans le pays où résident les gens qui se connectent à mon site et téléchargent l’œuvre ? Où dans tous les pays qui ont théoriquement accès à mes œuvres ?
La logique de territoires ne s’applique tout simplement pas sur Internet Tweet this!
Aucune de ces réponses n’est correcte, car la logique de territoires ne s’applique tout simplement pas sur Internet. En fait, la directive de 2001 sur le droit d’auteur et les droits voisins ne donne aucune réponse toute faite. Imaginez le chaos si chaque pays essayait de répondre à ces questions tout seul.
Et ici je souhaite citer un extrait très révélateur sur le sujet :
«Internet a d’emblée été conçu comme global et non géographique. Sa gouvernance technique est assurée par la communauté Internet elle-même ; en revanche, aucune institution ne traite du contenu qui circule sur le net. A défaut de s’accorder sur des règles communes, les Etats adoptent des législations nationales, qui sont difficilement compatibles et conduisent à des conflits de juridiction ou, à l’inverse, laissent des espaces de non-droit.»
C’est une citation de la sénatrice Catherine Morin-Desailly avec laquelle je suis entièrement d’accord. Si nous voulons mettre en place des règles applicables pour l’Internet, et je pense que nous devrions, alors elles doivent être au moins européennes. Cela s’applique à la taxation des services en ligne, à la protection des données, à la neutralité du réseau, et au droit d’auteur et aux droits voisins.
J’ai souvent entendu la critique selon laquelle un tel changement renforcerait les grandes entreprises Américaines. Mais elles sont déjà établies sur le marché. Il est déjà facile de regarder une émission de télévision Américaine dans la plupart des états membres. Je lis souvent «Cette vidéo n’est pas disponible dans votre pays», c’est lorsque je tente d’accèder à une œuvre européenne en Europe.
Nous devons promouvoir notre diversité culturelle. Mais la diversité culturelle n’est pas la même chose qu’une diversité de lois. Tweet this!
Ce dont nous avons besoin est d’assurer le financement de la diversité culturelle régionale. Un droit d’auteur et des droits voisins communs ne signifient pas soustraire le droit des pays de financer et promouvoir leurs cultures. Cette capacité n’est pas mise en danger par le droit d’auteur et les droits voisins Européens, mais par les traités internationaux comme TTIP ou TISA qui veulent traiter le financement de la culture comme une distorsion au libre marché. Et la capacité du public à financer la culture est détournée par des compagnies transnationales qui ne paient pas de taxes. Si vous cherchez un allié pour protéger le financement de la culture des traités internationaux ou pour l’élimination des vides fiscales, vous pouvez compter sur mon soutien.
Il n’y a pas à cacher la culture Européenne derrière des frontières nationales, car elle ne s’est jamais et ne devrait jamais s’arrêter aux frontières nationales.
Il n’y a pas à cacher la culture Européenne derrière des frontières nationales Tweet this!
Je comprends et respecte la réserve de ces créateurs qui ne sont encore parvenus au sommet dans le systeme actuel et qui craignent de perdre davantage de leurs maigres revenus. C’est pour cela qu’une de mes conclusions sont que nous avons besoin de standards minimums pour la protection des auteurs vis-à-vis des contrats abusifs. Si l’auteur d’un livre obtient 8% du prix de vente de ses livres, il n’est pas rémunéré équitablement. Mais la façon d’assurer une rémunération équitable n’est pas de s’opposer à l’harmonisation des execeptions au droit d’auteur et aux droits voisins.
Imaginez que vous créez une parodie ou une caricature d’un ouvrage protégé par le droit d’auteur Français. C’est évidemment autorisé et ne requiert pas la permission de l’ayant droit, car cela pourrait être utilisé pour supprimer la liberté d’expression. Mais d’autres pays de l’UE ne disposent pas de cette exception au droit d’auteur. Donc, si une personne de ce pays partageait votre parodie, elle commettrait une infraction au droit d’auteur, même si vous lui en donniez la permission. Cela créée une grande incertitude juridique.
Du point de vue d’une personne qui partage votre œuvre, il n’est pas suffisant, pour elle, de savoir que vous avez créé l’ouvrage légalement. Cette personne doit aussi connaitre les différences entre les lois qui régissent le droit d’auteur dans son pays et le votre. La territorialité du droit d’auteur signifie qu’une exception ne s’applique pas seulement à la création d’un nouvel ouvrage, mais aussi à sa distribution.
Récemment, un tribunal allemand a déclaré qu’une image de la célèbre Hundertwasserhaus à Vienne ne pouvait pas etre distribuée en Allemagne. Elle avait été réalisée sous l’exception autrichienne de la Liberté de Panorama, qui vous autorise à prendre une photo du batiment public sans en demander la permission aux hériters du Hundertwasser.
Cette exception existe également en droit d’auteur Allemand, mais en Allemagne, il est requis que le photographe se tienne dans un lieu public en prenant sa photo. Cette photo a été prise depuis un appartement privé. Bien entendu, les personnes partageant cette œuvre en Allemagne n’avaient aucun moyen de s’en rendre compte. Il n’existe rien à propos de l’image qui témoigne du fait que l’exception Allemande au droit d’auteur relative au Panorama ne s’appliquerait pas ici.
La conséquence de l’existence de 28 législations complètement différentes sur ce qui est légal et ce qui ne l’est pas sur Internet est que tout le monde, les individus, les entreprises et les institutions publiques enfreignent régulièrement le droit d’auteur et les droits voisins.
Si vous voulez que les gens respectent les droits d’auteur et droits voisins, vous devez les rendre intelligibles Tweet this!
C’est un énorme danger pour la légitimité et l’acceptation de la loi. Si vous voulez que les gens respectent les droits d’auteur et droits voisins, vous devez les rendre intelligibles par le citoyen moyen. Le système de lois actuel est inapplicable. Tout comme 28 différentes lois de protection des données à caractère personnel ou 28 régimes fiscaux sont inapplicables.
La sénatrice Morin-Desailly a trouvé que si nous voulons protéger les valeurs Européennes sur Internet, nous avons besoin d’une fiscalité commune, une protection des données à caractère personnel commune, une gouvernance commune d’Internet et d’une neutralité du net commune.
J’ajouterais simplement à cette liste: Nous avons besoin d’une réforme du droit d’auteur et des droits voisins.
Dans les limites permises par la loi, l'auteur a levé tout droit d'auteur et droits voisins sur ce travail.
Merci.
Ich hab das ganze gelesen.
Ich bin ein französischer youtuber, der jeden Tag mit diesem riesigen Problem konfrontiert ist, da ich im Ausland lebe aber auf Französisch meine videos drehe, die hauptsächlich in Frankreich geschaut werden. In Frankreich gilt aber nur der Zitatsrecht für die Literatur, ein Bild oder ein kurzer Videosausschnitt darf man in der Regel nicht benutzen. Was aber in anderen Ländern erlaubt ist.
Ich hoffe, man wird endlich agieren. Ein Video kann wohl in Deutschland und in Frankreich verboten werden, aber noch offentlich in der Schweiz und in Belgien sein, sei es nur weil die Regeln anders sind. Die einzige heutige Lösung ist leider umzuziehen.
Wir müssen eh was dafür tun. Auf dem frz. Youtube gibt es auch videos, die von vielen berühmten youtubers gemacht wurden, um Ihre Urheberrechtsreform bekannt zu geben.